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Le Brexit vu du côté britannique

Le Brexit, repoussé au 31 octobre prochain, va impacter la filière bovine britannique du lait et de la viande de manière différente selon que l’accord avec l’UE aura, ou non, été ratifié d’ici là par le Royaume-Uni.

En prévision d’une sortie de l’UE sans ratification de l’accord conclu avec les Vingt-Sept (il a déjà plusieurs fois été rejeté par le Parlement de Westminster), le gouvernement britannique a annoncé, en mars dernier, le niveau des droits de douane qui seraient instaurés aux frontières du Royaume-Uni en remplacement de ceux en vigueur à l’entrée dans l’UE. Par exemple : 37% sur les carcasses de viande bovine (dans la limite d’un contingent tarifaire de 230 000 tonnes), au lieu de 70% actuellement dans l’UE. En pratique, la viande bovine brésilienne pourrait entrer au Royaume-Uni à un prix inférieur à celui de la viande irlandaise, qui représente 70% des importations britanniques, a expliqué Tom Hind, membre du comité de direction du AHDB(1), un organisme de recherche agricole britannique, lors de la conférence « Marchés mondiaux 2019 », les 5 et 6 juin à Paris. Dès lors, l’Irlande devrait trouver d’autres débouchés – vers l’UE ? – pour les 224 000 tonnes de viande bovine qu’elle a exportées au Royaume-Uni en 2018. En comparaison, les échanges entre la France et le Royaume-Uni (principalement des découpes désossées) ne sont « pas énormes » : 9 200 tonnes exportées vers la France contre 3 100 tonnes importées depuis la France.

Dans le scénario d’un « no deal », le prix de la viande bovine au Royaume-Uni diminuerait de 4,6% d’ici à 2022. Le revenu moyen des éleveurs tomberait de 25 000 Livres (£) à 15 000 £ dans les zones défavorisées. Et d’environ 15 000 à 7 000 £ dans les zones de plaine. Dans les deux types de régions, le revenu deviendrait même négatif (-10 000 £ environ) si toute aide directe devait disparaître, le Trésor britannique renonçant à prendre le relais de la Pac. Au contraire, si un accord était trouvé avec l’UE pour prolonger « l’acquis communautaire » et maintenir une zone de libre-échange, les prix de marché pourraient se redresser de 4,3% d’ici à 2022 (ils ont plongé d’environ 10% depuis un an). A noter que, dans les deux scénarios, « les fermes les plus performantes sont résilientes », laissant entrevoir une restructuration qui permettrait à la production de viande bovine britannique d’augmenter de 10%. En revanche, l’abandon de toute protection aux frontières conduirait à une baisse de 10% de la production bovine.

Lait : « les importations françaises faiblement impactées »

Le même type de simulations a été conduit pour le secteur laitier. Faute de ratification de l’accord avec l’UE, les droits de douane à l’entrée dans le Royaume-Uni seraient ramenés à zéro pour le lait (27% actuellement à l’entrée dans l’UE) et les yaourts (18% dans l’UE), et à 12% pour le beurre (38% dans l’UE). En cas de maintien de l’acquis communautaire, le prix du lait au Royaume-Uni pourrait augmenter de 2,6% d’ici à 2022, et de 3,8% en l’absence d’accord, de sorte que la production laitière britannique progresserait de plus de 5% (-2% en cas de libéralisation totale). Avec ou sans accord avec l’UE, le revenu moyen des fermes laitières resterait compris entre 50 000 et 60 000 £, sauf en cas d’abandon de toute aides directe, où il reviendrait au voisinage de 30 000 £.

Toujours selon Tom Hind, « les importations françaises seront faiblement impactées du fait de la proximité géographique. D’autant que le consommateur britannique continuera à favoriser la qualité et diversité des produits laitiers français. » En 2018, le Royaume-Uni a importé 269 000 tonnes de produits laitiers depuis la France (2e fournisseur après l’Irlande), pour une valeur de 550 millions d’euros : essentiellement des yaourts et des fromages (brie, camembert…).

« Rémunérer les biens publics »

De manière générale, les Conservateurs britanniques (droite) comme les Travaillistes (gauche) réclament une « suppression de la Pac pour aller vers la rémunération des biens publics » (protection de l’eau, de la biodiversité, qualité des produits…), témoigne Tom Hind. Aussi faut-il s’attendre à une « diminution de la production » et à ce que l’agriculture fasse « mouvement vers les paiements environnementaux ». On peut aussi envisager que l’Ecosse, « plus sociale », mette en place des aides pour succéder à celles de la Pac. Mais au moment où la Première ministre, Theresa May, démissionne, « on est toujours dans le brouillard. »

Benoît Contour

(1) Agriculture & Horticulture Development Board

A consulter : Conjoncture élevage hebdomadaire (FranceAgriMer, 7 juin 2019)

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