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Produire du lait à Mars

Éleveuse en Ardèche, sur la commune de Mars, Élodie Marinho élève 110 Saanens pour la production de fromage AOP Picodon au lait cru. Passionnée par la production fromagère, elle se prépare avec ses amies regroupées en association, à la troisième édition de Fromaniac, un concours fromager. Créé pour permettre aux éleveurs de mettre en avant leur production, l’évènement rassemble un jury de professionnels composé des meilleurs ouvriers fromagers de France.

À Mars en Ardèche, à quelques encablures du département de la Haute-Loire, les paysages ne sont pas rouges mais bien verts en ce mois de juillet. Il est vrai que la commune se situe à 1 000 m d’altitude. En hiver, les conditions de vie sont difficiles. Signe des temps, le maïs apparaît progressivement dans l’assolement des exploitations sur ce terroir. En 2019, une nouvelle fois, la sécheresse se fait sentir et les éleveurs vont devoir aller chercher plus de paille ou de fourrages, notamment dans le département de l’Isère. Au Gaec de la Voie Lactée, les trois associés se sont spécialisés dans le lait. Celui-ci est produit par un cheptel d’une cinquantaine de Montbéliardes et par un cheptel de Saanen. Le troupeau caprin profite du pâturage le matin. Dès le début d’après-midi, les chèvres sont rentrées afin de les protéger du soleil. « Les chèvres peuvent prendre des coups de soleil au niveau des mamelles et cela peut occasionner des inflammations et des flambées de cellules ». Dans cette exploitation, le pâturage débute en mai. Les chèvres peuvent pâturer 4 à 5 heures par jour. Elles bénéficient parallèlement d’un repas contenant un mélange de céréales, de luzerne et de graines de tournesol, sans oublier des vitamines. La production qui atteint 680 litres par chèvre est collectée par la Laiterie du Vivarais. Le lait est transformé en fromage AOP Picodon. Ce fromage au lait cru nécessite l’absence totale de germes butyriques et de listeria dans le lait. L’année 2019 s’annonce plutôt bonne au Gaec de la Voie Lactée avec un prix du lait à 723 €/1 000 litres et surtout la fin de problèmes sanitaires. « En 2018, une analyse a décelé la présence de listeria avec à la clé une menace de suppression de la collecte. Autrement dit une catastrophe pour nous. Cela s’est passé au mois d’août, période de vacances dans l’administration et les services techniques professionnels. Il y avait donc peu d’interlocuteurs pour nous aider à trouver des solutions rapides ». Apparemment, l’une des chèvres du troupeau a été contaminée. Impossible de savoir comment et pourquoi. Les chèvres ne reçoivent pas d’enrubannage en été, ni de fourrages ensilés… Cet animal a ensuite transmis le germe à ses congénères. Avec la listériose, il est difficile d’identifier les animaux réellement contaminés car les germes sont excrétés par intermittence. L’éleveuse a dû envoyer régulièrement des échantillons à un laboratoire. « Si les résultats des analyses pratiquées en laboratoire mettent en avant la présence ou non de listeria, la concentration en listeria n’est pas calculée ! » L’éleveuse a fini par mettre en place des mesures drastiques. Elle a notamment changé les manchons des griffes de la machine à traire pouvant loger les germes dans des microfissures. Tout a été désinfecté, de la litière aux auges. L’eau chaude favorisant le développement des listeria, l’équipement de traite a également été rincée à l’eau froide. Pour ce faire, « il a fallu shunter la sonde thermique qui est programmée pour un rinçage à l’eau chaude ». Durant ces moments difficiles, la Laiterie de Vivarais a soutenu les producteurs. Elle a continué à collecter le lait en le conservant séparément et en lui faisant subir un traitement thermique.

Vaccination contre les mammites

Heureusement, cet épisode malchanceux est aujourd’hui clos. Pas facile à admettre pour un élevage qui effectue son travail avec rigueur. À la Voie Lactée, chaque mamelle est nettoyée à l’aide d’une lavette individuelle imbibée d’alcool. Les chèvres reçoivent des injections de Vimco, un vaccin visant à réduire l’incidence des mammites subcliniques causées par les staphylocoques à coagulase négative et S. aureus. Celui-ci réduit également la sévérité des signes cliniques des mammites causées par les staphylocoques à coagulase négative, notamment l’aspect du pis et du lait. Pour éviter les contaminations mères/chevreaux, les nouveau-nés sont séparés de leur génitrice dès leur naissance et reçoivent le colostrum au biberon. Ils sont alors séchés sous une lampe. Puis, après quelques jours d’un mélange de lait de vaches et de colostrum, ils sont élevés entièrement au lait de vaches. Les naissances ont lieu en février. La mise à la reproduction se déroule en septembre et s’appuie sur la monte naturelle. Les boucs sont issus d’insémination et c’est le contrôle laitier qui réalise le schéma d’accouplement pour le compte de Capgènes. « Je regarde les taux, la matière grasse notamment et la qualité des mamelles », souligne Élodie. Après cette crise liée à la listériose, Élodie reprend sa marche en avant avec l’ambition d’atteindre 180 chèvres en production.

Erwan Le Duc

EN CHIFFRES…

Le Gaec de la voie lactée

  • trois associés : Benoît, Frédéric Claret et Élodie Marinho ;
  • une surface agricole utile de 114 hectares dont 6 ha de céréales et le reste en prairies (naturelles et temporaires), 
  • un cheptel de 110 Saanens en lait servant à la production du fromage AOP Picodon ;
  • un cheptel de 50 Montbéliardes en lait ;
  • une production de 75 000 litres de lait de chèvres et de 400 000 litres de lait de vaches ;
  • un prix du lait de chèvre à 723 € / 1000 litres avec un TP et un TB de 34 et 39,9 g/l.

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