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Les chèvres ont remplacé les vaches

Dans l’Ille-et-Vilaine, la famille Sorin a abandonné la production de lait de vache pour l’élevage de chèvres. L’exploitation s’est également convertie à la bio. Sans regrets pour ces éleveurs qui gagnent mieux leur vie.

Famille Sorin

En cette toute fin d’année 2020, Hervé Sorin nous accueille avec plaisir sur son exploitation rebaptisée Cabri’Hyaule. Installé à Val-Couesnon depuis 1996, l’exploitant a donné, voici deux ans, un nouveau tournant à sa carrière d’éleveur. Exit les vaches laitières. La dernière traite de son cheptel Holstein est intervenue en mars 2019. Aujourd’hui, place à la production caprine et ce, avec l’appui de son fils et associé Pierre. Son deuxième fils attend également une opportunité d’installation pour entrer au capital du Gaec. Ce virage professionnel a de quoi surprendre, tout spécialement sur ce territoire breton du pays de Fougères. La densité de vaches laitières y est en effet l’une des plus fortes de France, voire même d’Europe. Ici, près de  60 % des exploitations sont spécialisées dans l’élevage bovin laitier. « Le banquier s’interrogeait sur ce changement radical alors même que la situation comptable de l’exploitation était des plus saine », souligne Hervé Sorin. Au fil des ans, cet éleveur a en effet bâti un modèle original et solide, basé sur une double recherche de technicité et d’autonomie alimentaire. Illustration concrète de cette stratégie : l’exploitant produit de la féverole depuis plusieurs années. À la recherche d’un nouveau défi, et compte tenu de la volonté d’accompagner ses fils passionnés de chèvres, Hervé a mis le cap sur la production caprine. Un choix a priori détonnant mais pleinement assumé. « Avant de nous lancer, nous avons interrogé les collecteurs éventuels, à savoir Triballat et Agrial/Eurial. Triballat ne s’engageait à collecter que du lait de chèvre bio, Agrial s’intéressait également au lait conventionnel ». Sans trop hésiter, Hervé Sorin a privilégié l’offre de Triballat. Résolument indépendant, l’éleveur breton ne se retrouvait pas dans le schéma de collaboration proposé par Agrial. Tenant à son indépendance et préférant choisir lui-même sa conduite d’élevage et ses partenaires, il ne voulait pas immobiliser de l’argent dans des parts sociales. Autre signe de cette quête d’indépendance, les éleveurs ont recours aux services d’un nutritionniste indépendant (Yan Mathioux).

Autonomie et indépendance

Depuis 2018, les premières chevrettes ont rejoint le bâtiment de Cabri’Hyaule. La famille Simon a œuvré à la construction de la chèvrerie. Seule la charpente a été déléguée à un artisan. Tout le reste (maçonnerie, électricité, plomberie) a été réalisé en famille. 

Les premières mises bas ont débuté en février 2019. Fin 2020, l’élevage compte 380 chèvres à la traite et l’objectif est fixé à 600. « Le cheptel produit une moyenne de 850 litres par jour, à partir d’une ration quasi 100 % maison. Nous n’achetons que le concentré », explique Hervé Sorin. Nouveau venu en production caprine, l’éleveur dispose d’une solide expérience de la production laitière en version bovine. « Si nous avons repris certaines pratiques, nous nous sommes adaptés à la chèvre. Une vache est un animal plus rustique, capable de surmonter plus facilement les problèmes liés aux fluctuations de qualité des fourrages. L’élevage caprin demande plus d’attention car une chèvre est bien plus fragile. Nous avons donc abandonné l’ensilage de maïs générateur de problème de listeria ». Pour les guider en matière de conduite alimentaire, les exploitants brétilliens ont choisi de faire appel à Yan Mathioux, conseiller indépendant. Les Sorins valorisent au mieux l’herbe sous diverses formes : pâture, affouragement vert, ensilage et foin. Ils réalisent également un enrubannage destiné au cheptel de 15 vaches allaitantes de race charolaise. Cela dépend de la coupe. L’affouragement vert est réalisé  à l’aide d’une remorque autochargeuse qui réalise également la fauche. Pour ce qui est de l’apport énergétique, le maïs a toujours sa place, mais seul l’ensilage des épis est aujourd’hui d’actualité. Le passage à l’agriculture biologique n’a pas complètement remis à plat les pratiques de ses éleveurs, qui étaient déjà bien avancés sur  le chemin de l’autonomie. « Le prix du soja bio restant prohibitif, la production de fourrages de qualité s’avère d’autant plus essentielle ». En 2019, le coût d’achat des concentrés atteignait 257 € / 1 000 litres mais la marge brute culminait à 622 €/ 1 000 litres. Au pic de lactation, les chèvres reçoivent une ration à base d’ensilage d’herbe (1 kg), d’ensilage de maïs épis (1 kg), de féveroles (300 gr), de tourteau de soja (350 g), de maïs grains (300 gr), de triticale (250 gr), ainsi que 20 gr de minéral. L’alimentation des chevrettes s’appuie également sur les fourrages produits sur l’exploitation. Là encore, les éleveurs limitent les achats extérieurs. « Pour renforcer l’autonomie alimentaire de notre exploitation, nous prévoyons d’investir dans un séchoir en grange qui nous permettra d’améliorer la qualité de nos fourrages », précise Hervé Sorin. Fort est de constater que depuis notre visite, les cours du soja conventionnel et bio n’ont cessé de flamber. Nul doute que ces éleveurs auront à cœur de finaliser leur projet de séchage en grange au plus vite. 

Erwan Le Duc

Le Gaec La Cabry-Haule en chiffres

  • deux associés : Hervé et Pierre Sorin (père et  fils) ;
  • 112 ha de surface agricole utile dont 70 ha de prairies (trèfle violet et ray-grass anglais) et de luzerne, 25 ha pour la production de maïs grain et d’ensilage de maïs épis, 25 ha de triticale et de féverole ;
  • un cheptel de 400 Alpines (objectif de 600 chèvres en production) ;
  • un roto de 56 places combiné à l’utilisation de l’outil Delpro ;
  • une production moyenne de 811 litres de lait par chèvre (TB de 41,87 g/l, TP de 36,74 g/l) en 2019 ;
  • un atelier de 15 vaches allaitantes.

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